lundi 2 septembre 2013

La liste de mes envies - Grégoire DELACOURT

    Grégoire Delacourt est un écrivain français contemporain né en 1960. Il est aussi publicitaire dans sa propre agence  grâce à laquelle il a collaboré avec des marques telles que Séphora, Folio, Caudalie, ... Il publie son premier roman, L'Ecrivain de la famille, alors qu'il est âgé de 50 ans. Il remporte un premier succès. 

  La Liste de mes envies, publié en 2012, devient rapidement un best-seller avec plus de 470 000 exemplaires vendus avant son passage en poche. Après une adaptation théâtrale, l'adaptation cinématographique est en cours de tournage avec notamment dans les rôles principaux Mathilde Seignier, Marc Lavoine et Patrick Chesnais.


Quatrième de couverture

    Jocelyne, dite Jo, rêvait d’être styliste à Paris. Elle est mercière à Arras. Elle aime les jolies silhouettes mais n’a pas tout à fait la taille mannequin. Elle aime les livres et écrit un blog de dentellières. Sa mère lui manque et toutes les six minutes son père, malade, oublie sa vie. Elle attendait le prince charmant et c’est Jocelyn, dit Jo, qui s’est présenté. Ils ont eu deux enfants, perdu un ange, et ce deuil a déréglé les choses entre eux. Jo (le mari) est devenu cruel et Jo (l’épouse) a courbé l’échine. Elle est restée. Son amour et sa patience ont eu raison de la méchanceté. Jusqu’au jour où, grâce aux voisines, les jolies jumelles de Coiff’Esthétique, 18.547.301€ lui tombent dessus. Ce jour-là, elle gagne beaucoup. Peut-être.

Mon analyse

    Ce livre nous transporte dans le quotidien de Jocelyne, Jo. Mère de famille, épouse, patronne. On croirait que Jo a réussi sa vie. Pourtant, des blessures sont ancrées au plus profond d'elle. La perte violente de sa mère alors qu'elle n'était qu'une adolescente, face à elle. Son ange mort-né qui a conduit son mari à la violence, aux cris, aux coups. Après avoir été un alcoolique invétéré, cette perte le forcera à arrêter. Oui, mais Jo se prend à penser qu'elle le préférait soûl. Au moins, il était inoffensif à dormir sur le canapé. Elle tient sa mercerie, oui, mais ses rêves étaient bien plus grands. Mais elle se plaît dans sa petite mercerie, avec les voisines coiffeuses et pleines de vie qui lui rendent visite. Et son blog, qui l'occupe, lui permet d'expliquer ce qu'elle fait avec les produits qu'elle vend. Elle reçoit de gentils commentaires de ses lectrices et a même la visite d'une journaliste dont la mère a revécu grâce à ce blog. Après ça, son blog est de plus en plus connu.

  Tous les vendredis, ses voisines tentent de gagner le gros lot du loto, en vain. Lorsqu'elle leur apprend qu'elle n'y a jamais joué, elles la poussent à tenter sa chance. La semaine suivante, on apprend que le gros lot a été joué au même bureau de tabac.

  Jo a gagné plus de 18 millions d'euros. Elle n'en revient pas. Elle réalise si peu qu'elle décide de n'en parler à personne et ne prend même pas la peine d'encaisser l'énorme chèque, mais le cache dans une chaussure. Rien ne changera à sa vie. L'argent ne fera pas son bonheur, ne ramènera pas sa mère morte sur le trottoir, ni son ange mort-né. Au contraire, lorsque son mari disparaît en même temps que son chèque, sa vie s'écroule. Mais pour combien de temps ? 


Mon avis

  A travers ce roman, Grégoire Delacourt tente de donner son avis sur le dicton : "l'argent ne fait pas le bonheur". Malgré les embûches rencontrés sur son chemin, Jo se plaît dans sa vie. Mais cet énorme gain va tout bouleverser. On suit ses pensées sur ce qu'elle pourrait faire avec tout cet argent. Et elle en vient à la terrible conclusion qu'il ne lui rendra pas son bonheur. Lorsqu'elle prend conscience que son mari ne reviendra pas et qu'il a emporté le chèque, elle se rend compte que cet argent n'a fait que lui pourrir la vie. 
  Et pourtant, c'est elle qui se sortira mieux de cette histoire. Elle retrouvera l'amour et la sérénité en se servant de cet argent pour le bonheur de ceux qu'elle aime. Tandis que son ex mari restera malheureux d'avoir détruit sa vie pour du matériel qui ne lui rendra jamais sa femme.
  
  Et vous, si vous gagniez 18 millions d'euros, qu'en feriez-vous ? 

mardi 23 juillet 2013

16 Lunes (Sublimes créatures) - Kami GARCIA & Margaret STOHL

Kami Garcia et Margaret Stohl se sont associées pour écrire la saga Beautiful creatures en 2009, qui a donné lieu il y a peu à l'adaptation cinématographique Sublimes créatures.  En France, les livres ont été traduits avec les titres : 16 Lunes, 17 Lunes, ... L'oeuvre peut être rapprochée des sagas Harry Potter ou Twilight. On suppose d'ailleurs de nombreux clins d'oeil à la saga du jeune sorcier grâce à l'onomastique des personnages. L'exemple le plus pertinent est "Abby Porter", ancienne élève du lycée mentionnée à plusieurs reprises, qui n'est pas sans rappeler les consonances du nom "Harry Potter". Le genre fantastique a encore de beaux jours devant lui. 



La quatrième de couverture :


    J'ai longtemps rêvé de cette fille. Elle apparaissait dans un cauchemar où, malgré tous mes efforts, elle tombait sans que je puisse la sauver. Je me savais lié à elle d'une façon particulière. Et puis un jour, elle est arrivée en chair et en os au lycée. Elle était belle et mystérieuse. Si j'avais su qu'en même temps que cette fille surgirait aussi une malédiction... J'étais éperdument amoureux, mais cet amour était perdu d'avance.

Mon analyse :

    Ethan Wate est un élève sans problème au lycée Jackson dans la petite ville de Gatlin, au sud des Etats-Unis. Gatlin est une de ces villes où le temps semble s'écouler lentement, régie par les cérémonies commémoriales de la Guerre de sécession et par les FRA, femmes voulant régir la ville. Ethan rêve d'en partir tout en sachant au fond de lui qu'on ne part jamais de Gatlin. Le jeune homme tente tant bien que mal de reprendre une vie normale, accompagné de son meilleur ami Link et de l'équipe de basket du lycée, après le décès de sa mère dans un accident un an plus tôt. Depuis, son père vit en ermite dans son bureau dans lequel il travaille toute la nuit et ne dort que le jour. Heureusement, il peut compter sur sa vieille gouvernante Amma, sorcière du bayou, qui ne cesse d'ensorceler la maison à l'aide de grigris en tout genre.
  Cependant, les nuits d'Ethan sont agitées. Depuis quelques temps, il n'a de cesse de faire le même cauchemar : une jeune fille lui échappe au milieu d'un feu. Au réveil, ce cauchemar le hante toujours avec cet odeur de romarin et de citron, récurrente tout au long du roman. Un jour, une nouvelle fait son arrivée au lycée de Jackson, fait exceptionnel dans ce microcosme. La nouvelle réveille d'autant plus la curiosité des lycéens qu'elle est la nièce de Macon Ravenwood, considéré par les habitants comme un fou. Les regards curieux se portent tous sur la jeune fille qui est moquée. 
  Mais voilà, cette jeune fille, nommée Lena Duchannes, est celle qui habite les cauchemars d'Ethan. Un lien les unit. Plus fort que les moqueries de leurs camarades, plus fort que les tentatives de séparation de la part de leurs familles respectives. Et quand Lena confie à Ethan qu'elle est une enchanteresse et qu'elle devra choisir la Lumière ou les Ténèbres à son seizième anniversaire, le jeune homme fera tout pour garder la femme qu'il aime près de lui.

Mon avis :


    Je sais bien, cette saga est en premier lieu destinée à un public adolescent. Mais j'ai 22 ans, je fais partie de la génération Harry Potter. Lorsque la saga est sortie en France, j'avais 11 ans, le même âge que les personnages, j'ai en partie grandi avec cette saga. A chaque sortie, le bibliothécaire du bibliobus de ma ville me gardait les ouvrages de côté pour que je sois la première à les lire car il savait que je les dévorais et qu'ils reviendraient vite sur les étalages. Alors quand j'ai vu les bandes annonces pour Sublimes Créatures, j'ai eu immédiatement envie de le voir au cinéma. Cependant je n'en ai pas eu le temps, mais un ami m'a offert le livre pour mon anniversaire. J'ai mis du temps à le démarrer mais une fois commencé, je ne pouvais plus le lâcher.
  L'histoire met du temps à démarrer. On s'imagine une histoire d'amour compliquée entre deux adolescents, à la Roméo et Juliette. Seulement la magie s'en mêle, et l'histoire prend une toute nouvelle perspective. On découvre avec Ethan un autre monde au sein du monde des Mortels (tout comme dans Harry Potter), qui le touche bien plus que ce qu'il ne s'imaginait quand il découvre que certains de ses proches avaient connaissance de ce monde magique. 
  L'histoire est trépidante. On cherche des solutions avec les deux protagonistes, on tente de résoudre les énigmes, on s'inquiète du résultat.Et on est surpris par les évènements. Contrairement à ce que je croyais en ouvrant ce livre, j'étais loin d'imaginer la fin ainsi que toutes les péripéties auxquelles ont dû faire face les protagonistes.
  Je n'ai qu'une chose à dire : j'ai hâte de lire la suite et de voir le film. 



mardi 19 février 2013

Pourquoi je ne lirai plus Musso [7 ans après]

    Il y a quelques semaines, j'ai décidé d'ouvrir ce blog. J'ai repris mes lectures par un livre simple, le genre de roman qu'on lit l'été sur la plage. J'ai donc choisi dans ma pile à lire l'avant dernier roman de Musso qu'on m'a prêté : 7 ans après. Dans la même veine que Levy, Musso est un auteur commercial qui publie un nouveau roman tous les semestres. Rien que ce dernier élément permet de comprendre qu'on n'est pas face à de la grande littérature.



La quatrième de couverture :

    Artiste bohème au tempérament de feu, Nikki fait irruption dans la vie sage et bien rangée de Sebastian. Tout les oppose, mais ils s’aiment passionnément. Bientôt, ils se marient et donnent naissance à des jumeaux : Camille et Jeremy.
Pourtant, le mariage tourne court : reproches, tromperies, mépris ; la haine remplace peu à peu l’amour. Au terme d’un divorce orageux, chacun obtient la garde d’un des enfants : Sebastian éduque sa fille avec une grande rigueur alors que Nikki pardonne facilement à son fils ses écarts de conduite. Les années passent. Chacun a refait sa vie, très loin de l’autre. Jusqu’au jour où Jeremy disparaît mystérieusement. Fugue ? Kidnapping ? Pour sauver ce qu’elle a de plus cher, Nikki n’a d’autre choix que de se tourner vers son ex-mari qu’elle n’a pas revu depuis sept ans. Contraints d’unir leurs forces, Nikki et Sebastian s’engagent alors dans une course-poursuite, retrouvant une intimité qu’ils croyaient perdue à jamais.
Des rues de Paris au coeur de la jungle amazonienne
Un thriller implacable brillamment construit
Un couple inoubliable pris dans un engrenage infernal

Mon analyse :

   Dans ce roman, Musso plonge son lecteur au coeur d'un thriller familial. Des parents divorcés dont chacun à la garde d'un des jumeaux se déchirent dans leurs différences : le père est un riche luthier reconnu dans sa profession pour ses talents de création mais aussi d'analyse ; la mère est une femme sauvage qui a toujours vécu en marge des règles. 

"Elle lui apportait la fantaisie qui manquait à son existence.
Depuis qu'ils se sont quittés, c'est comme s'il vivait à nouveau
dans un monde en noir et blanc." p.288

  Ce couple détonnant a implosé. Mais la vie va les réunir quand Nikki, la mère, appelle Sebastian, le père, pour leur dire que leur fils, Jérémy, dont elle a la garde, a disparu depuis plusieurs jours. L'enquête qu'ils mènent ensemble, non sans difficulté de conciliation de leurs caractères et de leurs rancoeurs, les conduit à Paris. Bien qu'ils soient recherchés par la police internationale après s'être trouvés sur les lieux d'un homicide,  ils parviennent à se lier à l'inspecteur qui les recherche afin qu'elle les aide. Après un nouveau rebondissement, ils découvrent que Camille, la jumelle de Jérémy, a également disparu, alors qu'elle se trouvait au Brésil avec son frère.
  Et c'est là que le livre perd tout son sens. Deux disparitions, une enquête parentale, et un cartel de la drogue brésilien se mêle dans un même fil narratif. Heureusement que l'écriture du romancier est (trop) simple, sinon le lecteur aurait de quoi être désabusé devant tant d'informations. 


Mon avis :
    On est d'accord, j'ai lu ce livre parce que je savais qu'il serait simple à lire car son auteur n'est pas connu pour avoir un style incisif ou recherché. Malheureusement, l'essai du registre du thriller est un vrai échec pour Musso. Au bout de quelques pages, j'ai compris la première supercherie sur la disparition du fils qui a été organisé par ses propres soins pour rapprocher ses parents. Le lecteur comprend vite que le jeu de piste les menant vers la ville de l'amour, dans un hôtel romantique suivi d'une soirée sur un bateau-mouche ne peut pas être orchestré par des malfrats mais plutôt par des enfants en mal d'équilibre familial. Il faut dire que les conditions du divorce n'ont ni queue ni tête, il est invraisemblable que les enfants aient des gardes séparées. 
  Mais l'auteur ne s'arrête pas là et en rajoute une couche avec une histoire rocambolesque de cartel de la drogue à la recherche d'un avion écrasé contenant un gros butin. On ne comprend pas comment les enfants se sont retrouvés au coeur de ces magouilles. Ni comment tout le monde s'en sort indemne. 
  Si je ne cherchais pas un livre appartenant à de la grande littérature, je ne m'attendais pas non plus à tomber sur un tel navet. J'ai déjà lu plusieurs livres de Musso, si je n'étais pas transportée ils faisaient leur job de divertissement. Je me suis forcée à aller au bout de ma lecture parce que je n'aime pas laisser un livre inachevé, mais rien ne m'a surprise, au bout du premier chapitre j'avais déjà compris comment l'histoire finirait. 


MUSSO Guillaume. 7 ans après. Paris : XO Editions, 2012. 400 p.


lundi 11 février 2013

La modification - M. Butor

    Michel Butor est un romancier, poète et essayiste français contemporain né en 1926. La Modification est un roman publié en 1957 aux Editions de Minuit. C'est un roman qui se rapproche du genre philosophique, l'auteur ayant lui-même était professeur de philosophie. Le thème principal est donc le changement personnel qui intervient à partir d'une réflexion sur soi.


La quatrième de couverture :

    Lors d'un aller Paris-Rome en train, un passager remet en question son existence, ses choix, avant de se résigner à la médiocrité. Léon Delmont, 45 ans, est un homme qui a réussi. Pourtant, il étouffe auprès d'une épouse acariâtre et de quatre enfants qui sont pour lui des étrangers. Tandis qu'il se rend à Rome, comme chaque mois, il repense à sa maîtresse, la belle romaine, Cécile, qu'il a l'intention de faire enfin venir à Paris pour qu'ils vivent ouvertement ensemble. Il a donc pris une décision. Mais la fatigue du voyage en troisième classe et les souvenirs de nombreux autres voyages effectués seul, avec sa femme ou avec Cécile, vont peu à peu modifier cette décision. Avec La Modification, récompensé par le prix Renaudot en 1957, Michel Butor réussit le pari de raconter le bouleversement d'une vie à l'intérieur d'un compartiment, en l'espace de vingt heures. Le style extrêmement original, néo-réaliste, partagé entre le présent du voyage en train, le passé immédiat et le futur proche, caractéristique du Nouveau roman, est notamment remarquable par l'utilisation de la deuxième personne du pluriel : "Vous êtes encore transi de l'humidité froide qui vous a saisi lorsque vous êtes sorti du wagon". De ce huis clos, Delmont n'est pas le seul à sortir "modifié" : le lecteur, directement interpellé par l'auteur, reste subjugué. --Céline Darner 


Mon analyse : 

    Durant un voyage en train à la fin duquel le narrateur, Delmont, a pour projet d'enlever sa maîtresse à Rome pour la ramener près de lui à Paris, le lecteur est plongé dans les pensées de Delmont. Si dans la pensée commune, la quarantaine est perçue comme un âge charnière dans la vie, c'est clairement le parti-pris de l'auteur dans ce roman. Le narrateur fait le bilan de sa vie. Le premier tiers revient sur un bilan de la vie familiale présente du narrateur, père de quatre enfants, marié avec une femme qu'il ne supporte plus. Leur mariage n'est plus qu'un simulacre qui se poursuit pour faire bonne figure dans un milieu social élevé. Le second tiers est réservé aux souvenirs charnels de l'histoire hors mariage avec Cécile, jeune romaine. Les voyages à Rome sont d'abord perçus par le narrateur comme une bulle d'oxygène dans son quotidien parisien étouffé par une femme castratrice. Pourtant, la fin du voyage permet au narrateur de se rendre compte de son erreur grâce aux souvenirs des premiers temps de son histoire avec sa femme. Ils étaient comme il est à présent avec sa maîtresse. Si leur relation s'est dégradée, il prend conscience qu'il en est en grande partie responsable par son manque d'attention, ses tromperies, son travail trop prenant. Si sa relation lui apparaît aujourd'hui comme un enfer, rien ne lui assure que ce quotidien ne sera pas également fatal à sa relation avec Cécile. Le séjour à Rome ne servira donc pas à rejoindre sa maîtresse, mais à faire le deuil de cette histoire. Le narrateur sort grandi de ce voyage épuisant au sein d'un train de nuit dans une troisième classe inconfortable. Ses réflexions lui ont permis de prendre conscience de ses erreurs afin qu'il puisse repartir sur de bonnes bases à son retour à Paris.
  Le narrateur n'est pas le seul que ce roman bouleverse. Par l'usage du vouvoiement, le narrateur semble s'adresser directement au lecteur, qui ne peut alors que s'identifier et se sentir concerné par ce dilemme. Les réflexions personnelles du narrateur sont appropriées par le lecteur qui ainsi peut trouver des échos dans sa propre histoire. Nul doute que certains infidèles peuvent prendre conscience de leur bêtise et se rendre compte que le problème peut venir d'eux plutôt que de leur partenaire. Les personnes fidèles peuvent aussi ouvrir un oeil nouveau sur leur histoire et redonner vie à une histoire d'amour qui peut s’essouffler sous le manque d'attentions. Mais le texte invite, au delà du couple, à porter un regard objectif sur soi-même afin de se remettre en question. Butor remet ainsi au goût du jour la catharsis théâtrale en forçant le lecteur à s'auto-analyser. 


Mon avis :

    Si le texte semble difficile à appréhender par la description qu'en fait le résumé, c'est tout l'inverse qui se passe à la lecture. L'utilisation du vouvoiement happe le lecteur au coeur de l'histoire et les réflexions du narrateur sont appropriées pour soi-même. Sans forcément s'en rendre compte, le lecteur en vient à mettre en parallèle sa propre histoire. Il m'est arrivé moi-même de lire pour moi certaines phrases et de me poser des questions sur mon couple et sur comment je me sens dans mon couple. 
  De ce fait, le lecteur sort bouleversé de cette histoire. Il lui est impossible d'être passif durant sa lecture. Le texte lui parle et devient sa propre histoire. L'auteur, par l'utilisation du vouvoiement, a donc fait ce choix d'intégration de son lecteur. Car après tout, un texte ne doit-il pas s'adresser à un lecteur pour exister ?

BUTOR Michel. La Modification. Paris : Editions de Minuit, 1980. 313 p.

dimanche 3 février 2013

Moi, Sàndor F. - FLEISCHER Alain

    Alain Fleischer est un artiste accompli. Tout à la fois photographe, cinéaste et artiste plasticien, ce touche à tout joue cette fois le rôle d'auteur littéraire. Sous la demande de la collection "Alter Ego", Fleischer prend la plume pour relever un défi. En effet, la ligne d'édition de cette collection particulière est de s'inscrire dans le genre de l'autofiction. Il s'agit, tout comme l'a fait Hermann Hesse dans son Jeu des perles de verre, de créer de toute pièce l'autobiographie d'un autre, qu'il ait existé ou non. Alain Fleischer prend le parti de rendre hommage à son oncle, Sàndor Fleischer, mort au moment d'être déporté, durant la Seconde Guerre mondiale. 


La quatrième de couverture :

    «Un être peut-il en répéter un autre, ou le continuer, le prolonger, d'une génération à la suivante ?» En faisant sien, le temps d'un roman, le prénom hongrois qu'il aurait dû porter, Alain Fleischer reconnaît en lui la personnalité de son oncle Sàndor, mort à l'âge de 27 ans dans un train roulant vers Auschwitz, alors qu'il était lui-même né trois mois plus tôt.

Les quelques souvenirs de l'existence de son oncle lui deviennent propres à mesure qu'il les imagine et restitue l'agonie de son alter ego comme si c'était la sienne. Si personnels lui soient-ils, ses goûts et ses talents, son inclination dès l'enfance pour les jeunes filles comme sa précoce passion pour la photographie et le cinéma, semblent lui venir de cette vie antérieure, dont il se souvient en l'inventant.
Grâce à un procédé narratif original, parvenant à confondre les deux Sàndor en un seul, Alain Fleischer nous offre là un des romans les plus troublants jamais écrits sur le double mystère de l'identité et de la transmission. Moi, Sàndor F. devrait aussi rester comme un maître livre de cette littérature d'après les camps, que Jean Cayrol voulait «lazaréenne» ou de résurrection.
Jean-Luc Moreau



  Se projeter sous une forme autobiographique dans un autre personnage qui, tout en étant ainsi investi par une personnalité étrangère, conserve les vêtements de sa propre identité, telle est la proposition faite aux auteurs de cette collection. À mon sens, il s'agit moins de s'identifier à la vie d'un autre que d'identifier en soi une autre vie possible. En disant les choses autrement, il s'agit moins de s'imaginer être un autre, que d'imaginer un autre être soi.
J'ai accepté cette proposition singulière parce que mon oncle Sàndor F. a pu - façon de parler - attendre ma naissance pour être assassiné par les nazis, et me passer une sorte de relais. Ceux qui l'ont connu ont pu me trouver, avec lui, quelques traits de ressemblance, et je tente donc, en respectant le peu que j'ai appris sur lui, de le prolonger jusqu'à moi, en empruntant à celui que je suis, et à la vie qui a été la mienne, ce qui me permet de compléter l'histoire de sa brève et tragique existence.
A.F.

Mon analyse :

    Sous une écriture propre à son style, Fleischer revient sur le souvenir de son oncle, mort quelques mois après sa naissance, sans qu'ils n'aient pu se rencontrer. De cet homme inconnu, il ne connaît que les souvenirs de la famille qu'ils partagent, lointains récits entendus durant son enfance. Pour combler ces failles d'oublis et faire revivre la mémoire de cet oncle disparu, Fleischer prend le parti de mêler leurs vies. Sous la répétition incessante des mots "Moi, Sàndor F." se confondent deux identités, que le lecteur identifie grâce à leurs dates et lieux de naissance. Ainsi, "Sàndor F., né à Budapest en 1917" précède à "Sàndor F., né à Paris en 1944". Plus qu'une famille, c'est un lien privilégié qui unit ces deux hommes qui ne se sont pourtant jamais rencontrés. Les souvenirs de leur famille se réveillaient par la personnalité et le physique si ressemblant que le jeune Alain partageait avec son oncle Sàndor. Deux caractères égaux, des "jumeaux nés à des années de différence", d'après l'auteur. Leurs vies sont unies par ces personnalités, mais aussi par ce prénom hongrois, Sàndor. Un prénom que les parents de l'auteur lui destinaient, avant de se rétracter pour lui donner un prénom français, afin que son intégration dans le pays les ayant accueillis se face plus facilement. Alain, une des traductions possibles pour ce prénom. Deux nationalités différentes, une même racine. En plus de tout cela, le neveu porte à son doigt la chevalière de son oncle, retrouvée miraculeusement en Israël par sa tante. L'homme, au moment de mourir, l'avait donné à un compagnon d'infortune, dans ce train de bétails les portant vers Auschwitz, afin de laisser un héritage, un souvenir, à sa famille.
  Pour Alain Fleischer, il s'agit de rendre hommage à cet oncle, dont la mémoire partira après lui, toutes personnes l'ayant connu étant maintenant mortes. Mais de ces vagues souvenirs de lointaines discussions entendues lors de son enfance, que lui reste-t-il ? Alors l'auteur imagine. Qu'aurait été sa vie s'il avait été à la place de son oncle ? Qu'aurait été celle de son oncle s'il avait été à la place du neveu ? Et s'ils s'étaient connus, quels liens auraient-ils partagés ? Tant de questions impossibles à résoudre. Alors Fleischer mêle leurs deux vies. Sa propre biographie devient celle de son oncle, avec un report du contexte spacio-temporel. 

Citation significative :

    "Je ne peux raconter ma vie qu'en l'inventant pour la plus grande part, mais peut-être est-ce la règle et la situation de toute oeuvre biographique ou autobiographique, la vie supposée réelle de quelqu'un étant justement le lieu où se croisent et se mêlent, à parts égales, d'un côté les circonstances et les évènements effectivement vécus, qui contribuent à former l'histoire et l'identité d'un être, et d'un autre tout ce qu'il a rêvé, imaginé, espéré, fabulé, et qui constitue l'autre moitié du moule d'où sort la forme complète d'un individu, d'un destin." (p.19)

Mon avis :

    Par cette oeuvre, Alain Fleischer rend hommage à son oncle. Pour cela, il mêle son autobiographie aux souvenirs laissés par son oncle, Sàndor. Un genre nouveau apparaît sous la plume d'Alain Fleischer : l'autofiction. Il s'agit de dissoudre des éléments biographiques à l'intérieur d'une autre vie, qui aurait pu être meilleure. 
  Si ce genre est prometteur pour les amoureux de biographies comme je peux l'être, Fleischer n'est pas assez exigeant avec lui-même. L'oeuvre s'étend sous des longueurs, des répétitions incessantes de mêmes souvenirs. L'écriture est décousue, le temps fait des dents de scie. Le lecteur se perd dans une masse de souvenirs et se sent obligé de sauter des pages pour se libérer de cet étouffement. 
  Une déception pour moi sous une belle promesse qui réunissait les éléments que je préfère dans une oeuvre littéraire : une biographie inscrite dans la période de la Seconde Guerre mondiale. 


FLEISCHER Alain. Moi, Sàndor F. Paris : Editions Fayard, 2009. 394 p. (coll. Alter Ego).

mardi 29 janvier 2013

Et pourtant, ils lisent...

    Le dernier livre que j'ai lu est un ouvrage sociologique sur lequel je devais rendre un dossier à un de mes professeurs. Cependant, j'ai personnellement choisi ce livre car le sujet m'intéressait beaucoup. 


La quatrième de couverture :

    Il court sur l'état de la lecture en France les propos les plus alarmistes. Et l'on a raison de s'en préoccuper : c'est un enjeu national. Encore faut-il éviter, sur une matière aussi sérieuse, les propos de café du commerce. Voici du solide : une enquête de quatre ans auprès de 1200 élèves. La plus ample et méthodique qui ait jamais été entreprise en France. Les résultats sont surprenants. Oui, les jeunes lisent. Ils lisent au collège, et surtout, à ce stade, ils lisent pour eux-mêmes. Mais la rupture avec le lycée est nette. Au collège, lecture personnelle et lecture scolaire se recoupent largement. Au lycée, elles se différencient et ne font pas nécessairement bon ménage. Plus longtemps les élèves séjournent à l'école et moins ils lisent pour eux-mêmes. On peut réussir dans les études et ne pas lire. On peut aussi lire et ne pas réussir. L'école forme pourtant des lecteurs, même si beaucoup s'écartent du modèle littéraire traditionnel. Un livre dérangeant et nuancé. Un instrument remarquable pour connaître ce que nos enfants ont réellement en tête.



Mon analyse :

    Christian Baudelot, le directeur d'édition, est un sociologue français contemporain qui aime aller à contre-courant. Pour lui, l'important est de comprendre les minorités et des les intégrer dans la société. Il est également agrégé en Lettres classiques. Ces deux cursus le mènent, avec l'aide de deux de ses élèves, Marie Cartier et Déprez Christine, à faire une étude de quatre ans sur un échantillon de 1200 élèves venant de trois collèges différents au sein de trois académies. Son but ? Savoir si les dires alarmistes sur la condition de la lecture en France sont fondés. Grâce à des questions précises, visant à connaître les lectures, leurs fréquences, leurs genres, leurs raisons, ils dressent des catégories d'élèves, selon leur sexe et leur milieu social de provenance. 
Il en ressort que les adolescents lisent, et de plus en plus depuis une vingtaine d'années. Les chercheurs distinguent pourtant deux temps : celui du collège et celui du lycée. Au collège, les élèves ne font pas la différence entre livres scolaires et livres de loisir. Ce qu'ils recherchent, c'est le plaisir. A l'époque de l'enquête, l'auteur le plus lu est Stephen King. Les élèves privilégient donc la science-fiction ainsi que le roman policier. Mais ces lectures sont mêlées à des grands noms littéraires dont Maupassant, Zola et Christie. Les collégiens recherchent donc l'échappatoire à leur quotidien. Au lycée, la tendance s'inverse. En littérature, le professeur cherche à apprendre aux élèves les clés pour l'analyse littéraire, à commencer par la différenciation entre panthéon littéraire et paralittérature. Se crée alors une rupture entre lecture ordinaire et lecture savante. Les lycéens rejettent majoritairement les livres scolaires, perçus comme ennuyeux et difficiles à appréhender. Mais ils lisent également moins, privilégiant le cercle social à la lecture, vue comme un loisir intime obligeant à se replier sur soi-même. C'est alors que les chercheurs mettent au jour un élément surprenant : plus on fait d'études, moins on lit. Par manque de temps, par dégoût de l'obligation de lire. Pourtant, les capacités critiques littéraires restent ancrées chez les élèves.
Cependant, l'élément principal à retenir, c'est que les adolescents lisent plus qu'avant. Alors pourquoi ces propos alarmistes de la part des intellectuels de la littérature et des médias ? Baudelot l'explique simplement par le fait que les statistiques sont analysées afin de leur faire dire ce qu'on veut. Pour Baudelot et ses étudiantes, plus de 60% des adolescents lisent de façon plus ou moins régulière. Là où les intellectuels s'égarent, c'est dans la confusion qu'ils font entre littérature et lecture. En effet, le panthéon littéraire est de moins en moins au goût des adolescents.

Mon avis :

    Enfin ! Il était temps qu'une analyse neutre se fasse sur les conditions culturelles des élèves. Je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, mais personnellement j'en ai marre qu'on mette d'un côté l'élite cultivée et de l'autre les ZEP violents. Je suis moi-même issue d'une ZEP, je me suis donc sentie particulièrement concernée par cette enquête. OUI, les jeunes lisent. Peut-être pas des oeuvres appartenant à la culture littéraire, mais pas non plus seulement des bandes dessinées ou des mangas. Ils cherchent à des oeuvres répondant à leurs attentes de divertissement ou à leurs réponses sur la vie. Pour cela, ils se tournent vers la science-fiction, les romans policiers, les témoignages, et parfois même les oeuvres réalistes dont celles de Zola. La lecture n'est pas en danger.
Pour ma part, je pense simplement qu'il serait temps de renouveler le panthéon littéraire enseigné au collège et au lycée, et de faire place à des oeuvres plus jeunes qui correspondraient plus aux attentes des élèves et leur permettraient de prendre goût à la lecture.


BAUDELOT Chrisitan, CARTIER Marie, DEPREZ Christine. Et pourtant, ils lisent... Paris : Edition du Seuil, 1999. 246p. (coll. L'Epreuve des faits).

Présentation d'une lectante




J'aime les livres. Depuis aussi loin que je me souviens. Cela a commencé petite, avant même que je sache lire. Mon papa me lisait une histoire tous les soirs avant de dormir. J'ai très vite appris à lire, pour "prendre le relais". Et je n'aime pas seulement le texte, mais bien l'objet en lui-même. Je peux admirer une couverture de livre (dont souvent les prix m'empêchent l'achat), et surtout, j'adore l'odeur des vieux livres. C'est pour ça que pour l'instant, je ne suis pas attirée par les liseuses électroniques. Je comprends parfaitement l'innovation et le côté pratique de l'objet, mais j'ai besoin de toucher le livre, tourner les pages, le sentir. Ce que je préfère, c'est de m'apercevoir qu'un livre acheté neuf a pris cette odeur particulière. Ne me prenez pas pour une folle, restez s'il vous plaît. Je suis juste bibliophile. 
Tout le monde le sait, les livres permettent de s'évader du quotidien. Je pense que peu importe le genre que l'on privilégie, on s'éloigne de son quotidien. Lire, c'est se divertir, apprendre, s'émouvoir, principalement. Cela peut même devenir un métier. Mon rêve ultime



De ce fait, je suis devenue une vraie littéraire, avec un baccalauréat littéraire et une licence de lettres en poche. Si je me lance maintenant, mis à part les encouragements de mes proches, c'est que je suis en "temps mort". Après un premier semestre en master recherche spécialisé en lettres, je me suis aperçue que ce n'était pas ce qui me plaisait. J'ai donc pris la décision d'arrêter. Mais pas de ne plus rien faire. Donc voilà, j'ouvre ce blog. 
Loin de moi l'idée de donner une image de rat de bibliothèque. De part ma formation, j'ai acquis les outils d'analyse de littérature. Mais je suis contre la glorification d'un panthéon d'auteurs. Personnellement, je ne trouve pas forcément certains livres dits "classiques" des plus intéressants, et je n'aime pas me sentir obligée à lire ces livres plutôt que d'autres. Je veux juste que le texte me plaise, que je puisse m'identifier ou ne pas vouloir le faire, justement. 



Et comme littéraire ne veut pas dire rat de bibliothèque ou bohème, je suis aussi une fille futile qui tient un blog de vernis : Rennes de Pique. Si ça vous tente, vous êtes les bienvenus.
Et pourquoi "lectante" et pas "lectrice" ? Parce qu'en tant que littéraire, j'ai eu affaire à beaucoup de théories, dont celle de Michel Picard dans La lecture comme jeu. Le lectant est l'instance au sein du lecteur qui s'intéresse à la critique du livre, soit ce que je voudrais mettre en place ici, en expliquant ce qui m'a plu ou déplu dans une oeuvre. 
Et si vous avez des titres à me conseiller, des choses que vous aimeriez voir ou dont vous voudriez l'avis, ou des critiques pour que je m'améliore, n'hésitez pas à me laisser un commentaire. Je vais de ce pas me créer un profil Hellocoton, plateforme regroupant des blogs sous différents thèmes.